Vous lancez un regard las autour de vous, soupirant après cette journée un peu trop semblable aux autres, selon vous. Apanage tristement morose des royaumes où le temps s'est arrêté depuis longtemps. Le pas lourd, vous vous dirigez vers la Camelotade, comme vous le faites chaque soir pour regagner votre foyer ou du moins, le dernier en date. Non pas qu'il ne vous convienne guère, vous avez vu pire dirons-nous mais en général, ces choses-là se choisissent avec soin.
Alors que vous haussez les épaules, une chose vous percute violemment, vous projetant au sol sans plus de cérémonie. C'est petit, c'est blanc, c'est agile mais surtout, ça l'a volé mon précieux ! Cette bestiole s'est emparée de votre nez et la voilà qui vous nargue en le tenant entre ses doigts avant de s'enfuir avec ! Intolérable ! Personne ne doit voir ça ! Ni une ni deux, vous vous lancez à sa poursuite dans le dédale des rues d'Untoldtale, une main sur votre visage si atrocement défiguré par on ne sait quelle forme de magie. Puis finalement, les longues oreilles de l'animal se font apercevoir au loin, tournant dans ce que vous savez être un cul de sac. Qu'à cela ne tienne, il est pris au piège !
Si vous aviez eu un nez, vous auriez trouvé que c'était somme toute assez louche et que ça sentait le cramé, le parfum de l'entourloupe. Mais désespéré d'être devenu si laid, vous vous ruez vers le lapin blanc qui vous regardait alors en tapant du pied sur le sol, comme s'il vous attendait. Au moment de vous saisir de lui, vous sentez vos pieds se dérober et vous chutez. Longtemps, très longtemps. Vous êtes un peu honteux de vous être fait avoir, n'ayant pas vu à temps le trou béant devant la créature, trop obnubilé par le sort de vos fosses nasales. Ayant atterri en douceur et sans encombre, vous vous empressez de tâter votre trogne et à votre grand soulagement : rien ne manque plus à l'appel. Vous êtes tel que vous l'avez toujours été, avec ce que ça implique de bon comme de mauvais esthétiquement parlant. Quoiqu'il en soit, vous voilà maintenant dans un endroit un étrange et vous vous approchez en comprenant qu'il s'agit d'un labyrinthe. Vous qui précédemment, déploriez le manque de rebondissement dans votre triste vie, il semblerait que votre vœu ait été entendu car en voilà un de taille. Alors ? Qu'attendez-vous ? Faut-il vous dérober vos jambes aussi pour que vous daignez avancer ?
Dans ma vie, j'avais déjà été privée de beaucoup de choses, mais jamais encore on ne s'était emparé de mon nez ! Peut-être n'en avions-nous jamais vu de si parfait à Untoldtale, ou peut-être cela se revendait à prix d'or au marché noir, mais quoiqu'il en fut, je n'allais certainement pas rester là sans rien faire à le regarder fausser compagnie au reste de mon visage. Une Reine sans nez, c'est d'un ridicule ! Ca ne veut rien dire une Reine sans nez, ça n'impose ni le respect, ni la confiance. Aussi, je me devais de rattraper la bestiole.
C'est donc ce que je fis, je redressant parmi les badauds de la Camelotade avant de m'élancer à sa poursuite, une main plaquée sur le vide au milieu de ce faciès royal honteusement dénaturé. Dévalant les ruelles pavées de la cité, je songeais avec aigreur que cette anomalie pourrait bien être utile à certains, dont la cervelle méritait assurément un petit coup d'aération : procédé barbare mais qui se révèlerait bienvenu. Mes talons dérapèrent sur la pierre alors que j'observais un virage vers le petit cul-de-sac où le lapin s'était engagé. ❝Tu n'as pas idée de ce qui te pend au nez...❞ (fufufu) déclarais-je en faisant apparaître une poignée de flammes dans le creux de ma main. Ce nez, c'était le mien, je l'avais dûment porté durant ces quarante-trois dernière années et j'avais bien l'intention de me le réapproprier ! Ni une ni deux, je lançais la boule de feu sur le voleur et me ruais dessus avant de...une exclamation de surprise résonna brièvement dans la petite ruelle piégée, annonçant mon soudain plongeon dans le vide qui s'avéra vertigineux.
Assise sur mon séant, je me laissais tomber dans l'herbe douce et confortable. On avait vu pire comme point de chute. Un parfum singulier flottait et immédiatement, je portais la main vers mon visage retrouvant comme je l'avais pressenti (hé!) mon magnifique morceau manquant. Inspirant profondément, je fermais les yeux, profitant de ma position allongée pour accuser le coup et me remettre de mes émotions.
- VOLER C'EST MAL TU M’ENTENDS ! RENDS-MOI MON NEZ TOUT DE SUITE SINON JE TE TRANSFORME EN CIVET !
Oui, Arsène trouvait quand même assez ironique que ce soit lui qui dise quelque chose comme ça mais bon, il était tellement outré et furieux que même à ses oreilles cela semble crédible. Son nez. Comment un drôle de lapin a-t-il pu lui voler son nez ? Dans quel monde vit-il pour qu’un nez puisse avoir assez de valeur pour mériter d’être volé ? Un trafic de ce genre lui aurait-il échappé tout ce temps ? Mené par un mangeur de carottes à grandes oreilles qui plus est ! Alors oui, si les passants qu’il bousculait à moitié sur son passage en poursuivant son chapardeur voyaient la collection de faux nez qu’il gardait dans son armoire secrète de costumes, ils auraient de quoi rire de le voir courir ainsi pour un simple nez. Mais c’était son nez ! Le sien ! A lui… Et Arsène aimait beaucoup son nez quand bien même il en avait des dizaines de rechanges pour cacher son visage tout défiguré depuis que le lapin l’a heurté.
Esquivant les différents promeneurs qui n'étaient devenus que des ombres, il réfléchissait à toutes les options qu'il avait. Si il avait été le lapin les options auraient été bien plus simple… Et voilà qu’il était le voleur volé, le dindon de la farce, un comble ironique et humiliant pour un cambrioleur de son niveau. Car malgré son endurance et ses réflexes, Arsène ne parvenait pas à rattraper le maudit lapin jusqu’à ce qu’il tourne subitement dans une ruelle à gauche. Bien ! Parfait ! Il n’irait pas plus loin puisqu’Arsène bloquait désormais la seule issue de cette impasse. La course effrénée dans les rues lui avait fait perdre son chapeau mais il avait eu du nez de sortir avec sa canne ce jour-là pour mettre un coup entre les deux oreilles du fugitif s’il tentait à nouveau de se sauver.
- Je te conseil de me rendre mon nez malappris, sinon je viens chercher tes moustaches et je m’en fais un postiche en plus d’un trophée !
Il fallait croire que la moutarde lui était quand même légèrement montée aux nez et tandis qu’il avançait ce fut le vide et non plus les pavés que ses pieds rencontrèrent. Allons bon ! S’il avait su, il serait resté le nez sous la couette, surtout que sa chute n’en finissait pas. Et alors qu’il pensait ne jamais en finir, le voilà soudain qui s'écrase sur le sol, le nez dans l’herbe. Herbe qui lui chatouillait réellement les narines pour la plus grande joie d’Arsène, bien satisfait de récupérer son joli nez. Se remettant sur pied, il fit un tour rapide sur lui-même pour aviser de son environnement, ne reconnaissant rien de familier mais avisant tout de même une autre silhouette étendue sur le sol et ce n’était pas celle de ce lapin de malheur. Ramassant sa canne, c’est tout de même avec prudence qu’il se rapprocha.
Vous êtes arrivés sans encombre même si pour le moment, vous semblez plutôt profiter du soleil, ainsi étendus sur la belle pelouse de Wonderland. Mais l'heure n'est pas à la sieste, car il faut bien admettre que si vous êtes désormais en un seul morceau, vous n'avez encore rien accompli qui vaille le déplacement et surtout la longue chute que vous venez de faire.
C'était d'ailleurs à croire que certaines personnes étaient de mon avis car à peine vous êtes-vous rapprochés qu'un As de pique, aussi plat qu'une feuille de cigarette mais pourvu de bras, de jambes et d'un clairon décoré des armoiries locales vint à votre rencontre. Il s'adressa à vous en ces termes : ❝Par décret Royal, en conséquence de la tentative d'incinération de notre très cher et estimé citoyen le Lapin blanc, sa Majesté la Reine de Cœur (louée soit-elle) vous somme de quitter son royaume sur-le-champ. En ce jour, et par son Royal caprice, les Dames devront se déplacer à reculons et sans que le pied gauche ne touche jamais le sol sous peine de se le voir retiré à jamais. En vertu de l'alinéa 3657-bis et conformément aux lois de ce Royaume, toute infraction donnera lieu à une décapitation propre, nette et immédiate.❞ Le long parchemin fut roulé sèchement, et la carte à jouer s'éclipsa dans les hautes haies qui bordaient le labyrinthe devant lequel vous vous trouvez. L'instant d'après, les lourdes grilles en or s'ouvrirent, comme une injonction pour vous faire entrer.
Vous y pénétrez donc de concert, n'ayant d'autre choix que d'avancer pour espérer quitter ce cauchemar. A peine avez vous fait quelques pas (clopin-clopant pour certaines) qu'un mur invisible sembla bloquer notre cambrioleur à la jolie canne d'apparat. Après plusieurs tentatives infructueuses, une sorte de chenille, énorme et bigarrée, se glissa entre les feuilles denses des cloisons végétales. Un rond de fumée l'entoura brièvement alors qu'elle faisait paresseusement jongler sa pipe aux odeurs douceâtres entre ses mille pattes agiles. ❝C'est embarrassant, n'est-ce pas ? Voilà que le premier mystère du domaine se dresse devant vous, et la malchance a voulu qu'il soit invisible. Si j'étais à votre place, j'opterai pour quelque chose de plus subtil...tout le monde sait que les belles plantes ne sont charmées que par les bons mots, lorsqu'ils sont maniés avec esprit et élégance.❞ Elle vous adresse un dernier clin d'œil énigmatique, vous juge comme si elle tentait de songer vos capacités, avant de poursuivre sa route dans un nuage de fume violet.
→ Pour ce jour 1, votre objectif commun sera de parcourir les 400 premiers mètres du labyrinthe.
Regina > Pour avoir tiré le dé du décret Royal, ta mission sera de parcourir le labyrinthe à reculons, et à cloche-pied sur la jambe droite. Il te sera demandé de lancer le dé réussite/échec (x2) dans le sujet de tirage, afin de valider ou non la distance (1 dé = 200m). En cas d'échec, tu devras rebrousser chemin, et recommencer.
Arsène > Pour avoir tiré le dé du Tea-Time (challenge littéraire), ta mission sera de déclamer à voix haute, quatre strophes (une par tranche de 100 mètres) de 6 vers chacune ayant pour métrique l'octosyllabe. Tes rimes finales devront se faire en «IL/ILE/ILES».
Le soleil réchauffait mon visage, et je profitais de ces quelques instants de calme. Mais mon repos prit fin lorsque je sentis une présence, toute proche. J'ouvris brusquement les yeux pour découvrir l'homme qui s'était approché et qui m'observait depuis là-haut. Il avait un fort joli nez, et le reste l'était aussi. Je le dévisageais, avant d'ouvrir le dialogue : ❝Je vais très bien, si c'est ce que vous vous demandiez. Du moins aussi bien que ça puisse aller après une chute de plusieurs centaines de mètres.❞ Je lui tendis la main, afin qu'il s'en saisisse : pour la serrer ou pour me relever, il était toujours bon d'avoir la main de la Reine dans la sienne.❝Regina Mills, enchantée.❞ me présentais-je dans un sourire. Si tous les rêves devaient prendre cette forme, peut-être devrais-je me jeter dans le vide plus souvent.
Notre rencontre fut cependant vite écourtée, avec l'arrivée soudaine d'un étrange personnage. Aussi fin qu'un qu'une lame de rasoir, et un As de pique dessiné en plein cœur, je compris vite que le rêve se faisait cauchemar...Wonderland. Il s'élança dans une tirade aussi rocambolesque que fantaisiste et après un dernier coup de clairon, il nous faussa compagnie sans plus de cérémonie.❝Qu'est-ce que c'est que ça encore : d'abord le nez, puis maintenant les jambes et possiblement la tête...Pourquoi les gens s'évertuent à vouloir me voir en plusieurs morceaux ? C'est ridicule et d'ailleurs, je ne compr...mais qu'est-ce que❞ m'exclamais-je en voyant brusquement les brins d'herbe s'enrouler autour de mon pied gauche, m'affublant d'une crampe passablement désagréable. Je dus donc effectivement me passer d'équilibre pour immédiatement retirer ma jambe de là, me retenant in-extremis à mon voisin pour ne pas tomber de nouveau.❝Efficace, ce décret...❞ grimaçais-je, peu ravie par le sort auquel venait de me condamner ma très chère mère. Qu'avait dit l'autre déjà ? A reculons et sur un pied ? Et bien...voilà une qui journée s'annonçait déjà longue et fastidieuse.
Bien, bien, bien… La silhouette étendue était au moins vivante et assurait même aller bien. Oui, il s’était posé la question. Attrapant la main qu’on lui tendait, il aida la femme à se remettre sur pied, la saluant d’un hochement de tête poli. « Arsène Lupin, enchanté également. ». Cependant à peine la dame est-elle debout qu’un as de pique – oui, un vrai, grandeur nature – s’avance et se met à déclamer des mots plus abracadabrants les uns que les autres. Mais où donc ont-il atterrit ?
- On dirait que cette Reine de cœur vous en veut encore plus qu’à la gent féminine en général…
C’est la seule chose qu’il trouve à adresser à sa partenaire d’infortune alors que la carte s’éloigne déjà. Il comprend son agacement face à des règles aussi absurdes. Sont-ils sérieux pour la décapitation ? Il n’a pas le temps de poser la question, que la pauvre est déjà obligé de s’accrocher à lui pour rester debout, aussi reste-t-il sagement à ses côtés au cas où une autre mauvaise plaisanterie leur tombe dessus.
- Si vous vous accrochez à mon bras, peut-être pourrons nous avancer un peu plus facilement, qu’en dites vous ? Puisque vous devez aller à reculons, je serais votre guide !
A peine finit-il sa phrase que les grilles s’ouvrent devant eux, Arsène avançant de quelques pas prudents. Ce n’est pas en restant plantés ainsi qu’ils retourneront dans leur monde. Sauf que le gentleman cambrioleur n’a pas l’occasion d’aller plus loin qu’une petite centaine de mètre qu’il a la sensation de heurter un mur invisible de plein fouet. « Voilà autre chose… » Décidément, tout dans cette contrée en veut à son nez, désormais douloureux. Tâtonnant de la main qu’il garde libre, il sent comme une pression sous ses doigts, essayant de trouver un moyen de contourner l’obstacle, en vain. Et comme si les curiosités ne suffisaient pas voilà qu’une grosse chenille bleue, fumant le narguilé s’approche et s’adresse directement à lui. Misère… il a dû se cogner la tête un peu fort en chutant… On lui demandait élégance et bons mots maintenant ? Si c’était un jeu alors Arsène allait leur donner une leçon de verbiage, sa langue étant encore plus acérée que l’épée qui se cachait dans sa canne.
Ne dit-on pas qu’esprit agile Est apte à vaincre tout péril ? Admettons que je sois docile, Ne me jugez pas d’imbécile Si m’avoir était si facile Je ne serais pas jugé vil
Un sourcil moqueur s’était relevé à l’adresse de la chenille au rythme de ses mots alors que sous ses doigts soudain la barrière n’était plus. Déstabilisé un instant, Arsène est bien obligé de laisser filer la chenille, au fond il s’en fiche. S' il suffit de s’improviser poète avec de l’esprit pour avancer, Méphisto serait leur diable.
Si la lecture du décret nous avait rendu dubitatifs, je haussais les épaules devant le commentaire de mon nouvel acolyte : ❝Sans doute a-t-elle de très bonnes raisons de m'en vouloir : après tout, j'ai réellement tenté de me débarrasser de ce lapin blanc.❞ Même si c'est lui qui avait commencé, en volant mon nez. Je ne mentionnais pas notre lien de parenté, il ne serait sans doute plus si enclin à faire le voyage à mes côtés après de telles révélations. J'acceptais son bras d'un petit signe de tête vertueux, invitation plus que bienvenue pour le numéro digne d'un cirque de mauvais goût dont je devais m'acquitter pour me déplacer.❝C'est vraiment très gentil à vous et cela rendra assurément les choses plus faciles pour moi, même si je vais sans doute vous ralentir., vous m'en voyez désolée...Mais j'imagine que cette posture me permettra au moins de surveiller nos arrières.❞ plaisantais-je pour dédramatiser en pivotant pour me préparer à marcher à l'envers.
C'est donc ainsi que se fit notre entrée : Le gentlemen avançant d'un pas de sénateur forcé avec à son bras, la Reine des entrechats maladroits et des à-coups irrépressibles. Un duo atypique, de ceux qu'il n'était pas courant de voir, même pour Wonderland. Comme je l'avais prédit, notre démarche n'était pas des plus fluides et bientôt, nous nous arrêtâmes tout à fait. Je tournais la tête pour tenter de voir ce qui avait fait stopper mon cavalier. Ah...je vois, la chenille-toxicomane et ses tendances Baudelairiennes. Profitant de cette arrivée pour m'accorder une petite pause, j'écoutais la proposition d'Arsène, un sourire d'approbation se dessinant progressivement sur mon visage. ❝On ne serait faire de réponse plus appropriée. Vous êtes décidément plein de ressources, M. Lupin.❞ Jamais encore, je n'avais eu si bon guide dans ce Royaume, tout n'était peut-être pas perdu. Après avoir observé les dernières volutes colorées disparaître, je repris ma position.❝Je suis prête, nous pouvons continuer.❞ déclarais-je avant m'élancer une nouvelle fois à reculons, le portail de l'entrée du labyrinthe s'éloignant un peu plus à chaque saut.
Personnellement, Arsène ne reprocherait pas à sa coéquipière la tentative de meurtre sur rongeur à grandes oreilles alors que lui-même avait menacé d’en faire son diner. Ce qui n’était pas vraiment la question pour sortir d’ici. Et puisqu’ils étaient pris dans la même galère, Arsène préférait unir ses forces que partir chacun de son côté, offrant un sourire entendu à la brune en même temps qu’il lui présentait son bras.
- Ne vous excusez pas… je préfère nous voir ralentit que de vous voir perdre votre tête. Sur ça ils m’ont l’air tout à fait sérieux. Et comme on dit si bien… ce sera lentement mais sûrement !
C’est en toute confiance qu’il voulait bien confier ses arrières à sa nouvelle compagne de route. Et ils faisaient bien de se serrer les coudes, car Arsène fut à son tour confronté à un léger problème. Quand bien même le cambrioleur passa la première étape sans trop difficulté. Les compliments de sa cavalière lui allaient droit au cœur, laissant un sourire malicieux et complice étirer ses lippes.
- Les flatteries et les bons mots ont été mon fond de commerce pendant très longtemps, c’est un exercice qui revient vite, je vous remercie.
Laissant le temps à sa complice de reprendre son équilibre, ils avançaient clopin-clopant à nouveau. Ils devaient ressembler à deux crabes se tenant par la pince croisée avec une puce. Par prudence, Arsène se servait désormais de sa canne pour tester aussi bien le sol que le vide devant lui. Il eu bien raison car à peine cent mètres plus loin il dut se stopper à nouveau, réfléchissant quelques secondes à ses mots.
Bien que ce jeu soit fort futile Hors de question que j’me défile Ou que je reste là immobile Vous voulez de l’esprit fertile ? Et de la verve volubile ? Je connais les bons mots utiles !
Voilà ce n’était pas si compliqué. Simplement agaçant de se retrouver stoppé continuellement. Mais au moins cela avait l’avantage d’offrir quelques minutes de répits dans le calvaire de sa partenaire, aussi Arsène continua de se plier de bonne grâce à l’exercice d’improvisation quand ils furent stoppé par une barrière pour la troisième fois, profitant cette fois de l’occasion pour s’adresser à sa comparse.
Ce lieu n’est pas vraiment subtil Je crains qu’à force il horripile Et soit au fond un peu hostile. Je ne me vois pas en exil Si c’est là le genre des villes… J’espère bien retrouver l'île
Non pas question de rester à vivre ici. Même pour lui. D’ailleurs, il s’assura que sa partenaire ne s’épuisait pas trop de son côté.
- N’hésitez pas à me dire si vous fatiguez… Ce rythme décousu doit être un calvaire en sautant à cloche-pied.
Si un jour, on m'avait dit que j'allais ainsi déambuler dans le royaume de ma mère, tel un flamant rose bloqué sur la marche arrière, sans doute aurais-je ri au nez de cette personne. Privée de ma fierté, je n'avais cependant pas le loisir de m'apitoyer sur mon sort, car la priorité restait bel et bien de sortir de cet épisode fâcheux. Les premiers cent mètres furent, il faut l'avouer, laborieux. Le manque de maîtrise et de technique rendaient les choses irrégulières et quelque peu chaotiques. Mais c'était sans compter sur la patience de Lupin pour nous mener jusqu'à la première barrière magique, une difficulté qu'il survola pourtant avec une facilité déconcertante.❝J'ignore dans quel domaine vous officiez mais aujourd'hui, votre savoir-faire nous est bien utile.❞ Une qualité qui de mon côté, m'avait toujours fait défaut. Du moins, c'est ce que l'on avait eu de cesse de me répéter à de nombreuses reprises.
La seconde ligne droite gagna quelque peu en fluidité, ayant trouvé un rythme qui me permettait d'éviter les heurts et les déséquilibres. Mes points d'appuis se faisaient plus stables, bien que je ne puisse toujours pas regarder où je mettais le pied. Cette fois encore, je profitais de la seconde pause emprunte de poésie pour me remettre et tenter de détendre les crampes que je sentais courir le long de mon mollet droit. Si j'avais toujours été une excellent cavalière, on ne m'avait cependant pas appris à monter comme une unijambiste et ce type d'effort restait éprouvant. Pour la seconde fois, Arsène brilla par sa finesse et je le soupçonnais de prendre goût à ces petites joutes linguistiques. La tête légèrement penchée sur le côté, je l'observais à la dérobée alors qu'il annihilait la barrière magique. ❝Je ne peux m'empêcher de remarquer que vous ne semblez guère surpris par ces phénomènes magiques : est-ce que c'est quelque chose de courant là d'où vous venez ?❞ demandais-je, habituée aux mouvements de reculs ou aux expression, de crainte voire même de révulsion. J'avais posé mon bras sur le sien pour me redresser et continuer notre progression. Et puisque celle-ci s'annonçait pénible, autant en profiter pour tenter de connaître un peu mieux celui qui partageait mon chemin de croix.
Lorsque nous fîmes une autre pause, j'étais maintenant essoufflée et je me penchais maintenant en avant, mains sur les cuisses pour tenter de reprendre un souffle régulier. Sommet de ma grâce, les joues rosies par l'effort, c'est ce moment que choisit le poète pour se tourner vers moi et m'adresser ses acrostiches.❝Hostile oui, c'est le mot...on a rarement vu un accueil aussi peu chaleureux, et pourtant ce n'est pas le premier Royaume que je visite.❞ acquiesçais-je en lui donnant entièrement raison. Heureusement pour ce qui était du savoir-vivre, je ne tenais plus de ma mère, ayant appris avec le temps à modérer mes humeurs qui tendaient autrefois à être aussi dévastatrices. Je lui adressais un sourire timide et embarrassé, lorsqu'il s'enquit de mon état. Je n'étais pas habituée à tant de prévenance car après tout, rien ne l'obligeait à s'affubler du fardeau que je représentais. ❝Pour tout vous avouer, je ne ferai pas ça tous les jours, décousu ou non. Mais votre assistance m'est d'un grand secours et quand bien-même, nous n'avons d'autre choix que d'avancer.❞ répondis-je en lançant un regard accablé vers les allées interminables qui se dressaient encore entre nous et la sortie.
Sa compagne était surprise de le voir enchaîner les vers. Il est vrai que c’était un exercice d’improvisation complexe, ce n’était juste pas une première. Au moins offrit-il un sourire autant espiègle que charmeur face à la curiosité qu’il commençait à percevoir. Mais nulle réponse. Conteur, illusionniste, don juan, arnaqueur, escroc, démon, diable. Si toutes ces étiquettes lui collaient à la peau, il préférait ne pas les révéler. Combien était réellement prêt à cheminer avec le diable en toute connaissance de cause ? Même si Arsène ne se voit pas ainsi. A force de pratique heureusement, leur chemin se fait moins anarchique, tout en restant fort risible. Regina Mills avait bien du courage, même s’ils n’avaient point le choix. Il en était admiratif. N’ayant rien contre la discussion, un nouveau sourire fleurit sur ses lèvres face à ce surcroît de curiosité. Au moins pouvait-il répondre.
- Pas le moins du monde. La magie est à peine visible là où je suis né. Je n’y croyais pas avant de m’y retrouver plongé jusqu’au cou. Alors, presque plus rien ne me surprend.
Il sentait la jeune femme souffler de manière plus haché, décidant de marquer une pause plus longue face à la troisième barrière en profitant pour essayer de trouver un meilleur appuie. C’était son tour de partager ses impressions, notamment sur le lieu, arquant un sourcil curieux en croisant son regard.
- Seriez-vous donc déjà venu ? Peut-être pouvez-vous m'en apprendre un peu plus sur les… périples que nous risquons de croiser ?
Tout renseignement était bon à prendre. Surtout quand on était plongé dans l’inconnu. Au contraire, mieux Arsène serait préparé, et mieux il pourrait travailler à les faire sortir. La laissant réajuster son équilibre, il hocha simplement la tête face à ses remerciements. Elle avait raison, ils devaient avancer. Arsène repartit, pointe de la canne en avant pour éviter d’autres désagréments. Avant de se stopper une fois de plus. A ce rythme, ils seraient sortis de cet endroit dans une dizaine d'années ou mourraient de faim avant. Finalement, ce n’était pas cet idiot de décret qui allait le plus les retarder. Mais bon, sieur Lupin n’avait pas encore trouvé moyen de contourner les règles et c’est en poussant un soupir et en levant les yeux au ciel, qu’il scanda tout de même.
On a pas l’avancée gracile Ni même notre bon profil Mais au moins j’suis pas malhabile Pour régler ce genre de tuile ! Sauf si j’me retrouve sénile Ou bien même bon pour l’asile
Oui Arsène perdait un brin patience, et il espérait que tout le chemin ne serait pas ainsi car ce n’était plus seulement son nez qu’il perdrait mais la tête entière s' il devait continuer à parler et déclamer des vers. Et dire qu’ils n’avaient même pas encore fait un demi kilomètre, ni pris un seul embranchement…
- Pour être tout à fait honnête… je ne ferais pas ça non plus tous les jours.
Dans ma vie, j'avais déjà été privée de beaucoup de choses, mais jamais encore on ne s'était emparé de mon nez ! Peut-être n'en avions-nous jamais vu de si parfait à Untoldtale, ou peut-être cela se revendait à prix d'or au marché noir, mais quoiqu'il en fut, je n'allais certainement pas rester là sans rien faire à le regarder fausser compagnie au reste de mon visage. Une Reine sans nez, c'est d'un ridicule ! Ca ne veut rien dire une Reine sans nez, ça n'impose ni le respect, ni la confiance. Aussi, je me devais de rattraper la bestiole.
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