Les complémentaires se mélangent, les notes de musique s'attardent et les paroles s'entremêlent pour ne donner qu'un brouhaha insensé autour de la place. Un brouhaha qu’Arsène et sa cavalière sont finalement heureux de quitter pour de plus grands projets. Projets dont il attend un peu pour reparler qu’ils se soient assez éloignés des personnes rassemblées pour célébrer leurs anciennes vies. Mieux vaut patienter un peu et faire mine de raccompagner sa cavalière pour s’assurer qu’aucune oreille indiscrète ne traîne dans les parages. Entraînant Lyra à travers les rues de la vieille ville, le gentleman cambrioleur marqua un temps d’arrêt sous un porche qu’il savait calme et peu visité. Car avant d’aller plus en avant il fallait bien décider d’une cible et donc d’une direction à prendre. Adressant un sourire à la jeune femme, il souffla donc avec connivence.
- Alors dites moi ma chère Lyra par où commençons nous ? Faire courir la garde ou nous introduire dans leur repère ?
Tout en lançant un regard espiègle à sa complice qui avait retenu ses deux propositions avec attention, Arsène profita de la tranquillité et l’ombre offerte par leur abri pour ôter son manteau de velours et le retourner avant de l’enfiler à nouveau. Passant ainsi du bel habit de velours bordeaux à un vêtement sombre qui se fondrait parfaitement dans la nuit, il referma les quelques boutons, dissimulant ainsi les dorures de son veston. Quant à son visage, ce n’était au fond pas totalement innocent si Lupin s’était procuré un accessoire qui ne laissait voir que son menton.
- Quoi que si je peux me permettre un conseil éclairé, il me semble plus opportun de nous introduire dans leur armurerie et leur caserne tant que la fête bat encore bien son plein. Ce genre de festivité nécessite toujours une surveillance plus accrue à cause des dérives possibles et en même temps, ceux libre de leurs soirées vont en général profiter de la fête, ce qui laisse les bâtiments gouvernementaux sous une surveillance moindre. Je pense donc que le moment serait idéal pour visiter la caserne et son armurerie.
Cela restait plus osé que de fomenter quelques diversions dans les rues et il n’était pas tout à fait certain que sa cavalière soit prête à oser. Elle n’avait après tout rien d’une monte en l’air comme lui où Priscilla. Enfonçant les mains dans sa poche pour s’assurer qu’il avait bien emporté avec ses effets les plus primordiaux pour ce genre d’activité nocturne, Arsène offrit un nouveau sourire à sa complice, se fendant même d’une gracieuse révérence.
- Prêt pour vous guider et vous escorter ! Je ne vous ferais pas faux bon, après tout ce défi est votre cadeau, et je me plierais à vos choix rassurez-vous.
Tandis que Lyra suivait Arsène, elle ne put s’empêcher de penser que le destin était bien ironique ou du moins possédait un sens de l’humour très particulier, mettant une nouvelle fois en travers de son chemin un homme qui semblait vouloir l’éloigner de celui tracé pour elle. Hadès pour en faire son épouse et être aimé, Arsène pour la pousser à faire des bêtises. Les motivations n’avaient pas le même but mais étaient les mêmes au fond : lui faire faire quelque chose auquel elle n’aurait jamais pensé, imaginé même. Oui vraiment c’était presque risible en ce jour de la Commémoration. Cependant la déesse ne s’attarda pas plus longtemps dans ses réflexions, plutôt préoccupée par ce qui allait s’ensuivre. Quelques regards s’attardèrent sur le duo mais elle les ignora, peu importe ce qu’ils pouvaient bien penser.
« Et bien je serais plutôt partante pour m’introduire dans leur repère également. Nous pourrons même en profiter pour nous servir dans leur armurerie ce qui nous donnerait de quoi nous défendre au cas où les choses tourneraient mal et que je ne puisse pas utiliser ma magie pour nous protéger. »
Elle ignorait si la garde avait connaissance des bracelets annihilateurs de magie ou même possédaient des objets similaires et elle ne tenait pas à en faire l’expérience. Elle se fit toutefois la promesse d’utiliser ses pouvoirs d’une autre manière, afin de, d’une certaine façon, venger tous ces habitants injustement arrêtés. La déesse observa avec intérêt le mortel se changer, admirant la ruse du vêtement réversible. Jetant quelques coups d’oeils prudents autour d’elle, Lyra claqua des doigts et un nuage de fumée vert foncé l’entoura. Envolée la robe d’un blanc vaporeux et les accessoires délicats. Elle était désormais vêtue d’une robe sombre, plus pratique pour l’escapade qu’ils allaient entreprendre et sa longue chevelure sombre retombait dans son dos en une simple natte. Seul son masque reposait encore sur son visage.
« Vous êtes vraiment un homme charmant – elle le gratifia d’une sourire sincère, répondant à sa révérence par une autre – allons ne tardons plus et allons visiter leurs quartiers, je n’aurai rien contre aller y mettre un peu de désordre. »
Un petit sourire entendu apparaît sur les lèvres d’Arsène, réellement ravi sous son masque de voir Lyra se ranger à son conseil. Cette idée l’emballe plus que tout autre. Enfin, voler quelques structures dirigeantes… Quel voleur ne serait pas séduit par cette idée dangereuse et grandiose que de se remplir les poches avec les effets de la garde elle-même ? « Ne dit-on pas que les souris dansent, quand le chat n’est plus là ? » Sur ce point-là, le gentleman cambrioleur n’avait jamais vraiment besoin de se faire prier en tout cas. Et Lyra non plus visiblement puisqu’elle partageait son envie de frapper fort pendant que tous auront le dos tourné. La fête et les dérives combinées offrent la distraction parfaite, pour que les affaires reprennent !
Arsène ayant achevé sa métamorphose, il s’apprêtait à soumettre quelques conseils supplémentaires à sa complice mais celle-ci le devança, claquant des doigts sous son regard curieux pour mieux se métamorphoser en un instant. La gratifiant au final d’un simple regard complice, en lui retournant à son tour compliment sincère.
- Et vous une jeune femme pleine de surprises comme de talents. Il faudra m’apprendre vos secrets, ils pourraient être fort utiles à notre expédition.
Et sans attendre plus, le voleur s’élance dans la nuit, entraînant à ses côtés sa nouvelle complice, la guidant par un chemin bien précis où personne ne se souciera d’eux, simples ombres dans la nuit. Les rues de la Ville-Haute et de la Vieille-Ville n'ont guère de secrets pour Arsène. De jour, de nuit, quoi qu'il arrive, il sait où il va et comment s'y rendre. Il connait les ruelles, les passerelles, les culs de sacs où disparaissent certaines bourses, certains points de passage vers les faubourgs et ceux vers l'extérieur. Il connait les fenêtres des couche-tard et des lève-tôt, ceux dont les chandelles de suif et les lampes éclairent à toute heure du jour et de la nuit. Il connaiait les éclats de voix des soudards à éviter, celles de ceux qui pensent encore, naïfs, que la garde défend une quelconque justice. Il connait beaucoup de choses de la vie nocturne de la cité, principalement grâce à ses pérégrinations lors de nuits sans sommeil, autres que celles passées Aux Floraisons Nocturnes.
Abandonnant bien vite derrière eux les hautes toitures et les ombres des aéronefs de la ville haute, ils avaient fini par arriver à la limite du faubourg. Se trouvant désormais en vue de l’imposant bâtiment de pierres grises qu’était la caserne et de son mur d’enceinte peu gracieux, le gentleman cambrioleur marqua un temps d’arrêt et murmura quelques conseils à sa partenaire.
- Attention aux bruits et à où vous posez vos pieds Lyra, nous sommes assez près pour que les gardes affectés à l’entrée nous entendent. Suivez-moi et tout ira bien.
Se fondant dans l’ombre des rues, longeant les murs en silence, Arsène se glissa finalement derrière plusieurs caisses abandonnées dans une rue voisine pour observer les forces en place et surtout estimer les nouvelles rondes possibles en ce soir de bal. Il finit après de longues minutes de réflexion par se dissimuler un peu plus derrière cet abri fort bienvenu pour souffler tout bas à sa complice.
- Êtes-vous familière avec le principe d’escalade ? Sinon nous n’aurons pas d’autres choix que de créer une diversion plus en contrebas pour attirer les gardes et nous glisser par la porte dans leur dos je le crains…
Si Arsène avait dû s’aventurer seul dans cet audacieux cambriolage, il n’aurait pas hésité à se glisser directement sur les toits pour atteindre les fenêtres de quelques chambres vides. Mais l’escalade en jupon n’était pas un art donné à tout le monde, surtout quand on n'avait pas l’expérience d’un monte en l’air.
Une sensation nouvelle s’emparait de la déesse. Celle de l’aventure, de l’interdit. Il y a avait quelque chose de terriblement grisant là dedans, quelque chose de très… mortel. Les dieux aimaient l’aventure, tous ou presque. Seulement leur immortalité et leur statut de divinité leur conférait une protection à de nombreux dangers. Aucun ne songeait réellement aux conséquences, sachant qu’ils pouvaient faire pencher la balance en leur faveur, quelque soit la situation, ce qui pouvait paraître ennuyeux. C’était sans doute pourquoi certains comme Zeus, Poséidon ou encore Apollon semblaient vouloir plus, semblaient toujours êtres sur le point de tomber du précipice avant de se relever au dernier moment.
Ici Lyra était toujours une déesse, ses pouvoirs, mais ils étaient amoindris et il y avait au sein de cette cité un danger auquel même elle ne pourrait pas échapper. La chose la plus sage aurait été de rester chez elle, à continuer de cultiver son jardin, faire des gâteaux ou pleurer Hadès. Pourtant c’était ce potentiel danger qui titillait la déesse, décuplé par Arsène.
« Secrets que je compte bien garder mais que je compte mettre à profits, tout comme vous gardez les vôtres, sinon qu’adviendrait-il de nos réputations ? »
La déesse adressa un sourire malicieux au cambrioleur, avant de le suivre dans le dédale sombre des rues de la cité. Elle n’avait jamais mis les pieds ici du moins pas à cette heure de la nuit. Et on pouvait dire que la nuit était un autre monde, plus inquiétant. C’était, d’une certaine façon, un nouveau voyage aux Enfers. Après avoir connu l’été et le printemps de la cité pendant des années, la déesse flirtait avec le monde souterrain, ce monde dont sa mère voulait à tout prix la protéger. De l’extérieur pourtant, il n’avait rien de trop dangereux, on ne distinguait que les ombres et les silhouettes, distinguait des bribes de voix et les étoiles brillaient si fort dans le ciel que la déesse ne pu s’empêcher de l’admirer quelques instant et de songer que cette nuit étoilée ferait un tableau parfait. Sauf qu’en s’y intéressant de plus près, ce monde avait ses dangers, ce n’était pas pour rien que le crime trouvait sa place au coeur de la nuit. Mais si la déesse avait pu se faire une place au sein du Royaume des Morts, elle pouvait affronter celui de la nuit.
Écoutant avec attention les conseils du mortel, Lyra essaya de marcher le plus silencieusement possible, regrettant soudainement de ne pas avoir les capacités de transformation de son divin père. Pour une fois que ce don aurait pu être utile autrement que pour aller badiner avec des mortelles ! La déesse se serait métamorphosée en une petite souris ou en serpent pour passer inaperçue.
Dissimulée derrière une pile de caisses, elle observait également la rue, mais elle n’avait pas l’oeil avisé et expert de son compagnon d’un soir. Sa proposition d’escalade ne l’enchantait guère. Autrefois elle avait grimper aux arbres en compagnie des nymphes, mais il y avait si longtemps et elle craignait d’avoir perdu la main. Et grimper aux arbres n’était pas la même chose que d’escalader des murs et toits. En revanche, une idée germa dans l’esprit de la déesse.
« Je crains ne pas être douée pour l’escalade, à moins de faire pousser un arbre, ce qui risquerait d’attirer l’attention. En revanche pour ce qui est de la diversion, je peux faire quelque chose. »
Agitant doucement les doigts dans un léger halo de lumière verte, la déesse fit apparaître une pile de pommes.
« Nous pouvons leur lancer et pendant qu’ils seront occupés à chercher le coupable, nous nous faufilerons… »
Une idée assez simple qui pouvait marcher, à condition que les gardes ne découvrent pas la provenance des lancers.
Un mystère laisse toujours des questions derrière lui. Un mystère ça fascine autant que ça dérange, un mystère comme son nom l'indique ne donne pas de réponse aussi facilement, c'est tout ce qui fait son charme sans aucun doute. Et c'est ce qu'Arsène doit reconnaitre à Lyra à cet instant, partant d'un rire léger suite aux paroles de sa partenaire, qui semble se plaire à cultiver le mystère autant que lui.
- Je ne crains pas tant pour ma réputation que pour ma tranquillité. Il est simple de se construire et de se déconstruire une réputation à loisir... Dans une autre vie je me suis amusé à lancer les rumeurs les plus folles sur ma propre disparition pour voir laquelle l'emportait et combien s'en rajoutait, c'était très divertissant ! Vous devriez essayer !
Renvoyant un sourire espiègle à la jeune femme, les deux complices étaient finalement parvenus en vue de leur cible, bien caché pour l'instant, le temps de réussir à établir un plan d'action qui ne les conduirait pas directement dans les geôles de la caserne. Si le gentleman cambrioleur trouvait simple de se glisser à l'intérieur par les toits, ce n'était pas le cas de sa partenaire, mais ça il s'en doutait.
Observant avec fascination le tour de magie de Lyra, Arsène rattrapa l'une des pommes avant qu'elle ne s'échappe, la soupesant et la faisant tourner entre ses doigts, intrigués. Une véritable pomme sortie de nulle part ! La magie de Lyra était clairement bien au-dessus de illusions et de ses tours de magie dont il était toujours friand. Souriant une fois de plus face à la proposition audacieuse de la brune, le cambrioleur secoua tout de même la tête, encore hésitant.
- L'idée de les noyer dans la compote est furieusement tentante, mais si ces gardes-là ne sont pas trop bête, ils risquent de filer droit sur nous dès que les pommes pleuvront. L'idée la plus simple serait de faire semblant d'avoir été agressé et d'aller chercher secours auprès d'eux. En se montrant assez convaincant, il nous feraient entrer dans leur enceinte et se lanceraient directement à la poursuite de nos "attaquants" en nous laissant le champ libre.
Quand Arsène pense à tous ces voleurs qui pètent les serrures alors qu'il suffit le plus souvent de dire "c'est moi" pour rentrer chez les gens. Un bon arnaqueur en tout cas n'avait aucun besoin de savoir crocheter une serrure dès l'instant où il était en mesure de convaincre son pigeon de le faire pour lui.
- Non ce qu'il nous faut, c'est quelques complices pour brouiller les pistes. Restez caché ici et faite feu dès que nos amis commencent à s'agiter un peu ... ensuite, dès qu'ils quittent leur poste glissez-vous à l'intérieur, on se retrouve de l'autre côté du mur d'enceinte, vous avez ma parole.
Sans transition, mais c’était sa force, le Lupin mirliflore céda la place à l’homme d’action. Il empocha la moitié des pommes avec lui avant de disparaitre dans la nuit, laissant malheureusement sa complice seule pour de longues minutes. Il se faufila jusqu'au faubourg jusqu'à entendre les mots et les ricanements de quelques "mendiants" et autres gamins des rues qu'il savait digne de confiance pour avoir déjà profité de leur complicité. Distribuant pommes et écrous après avoir exposé sa demande, le gentleman cambrioleur prit de la hauteur, se postant sur les toits des maisons alentours à la caserne.
Maintenant que le plan était bien en place, Arsène lança le signal des hostilités, visant l'un des gardes de la porte et fit feu le premier. La pomme fit mouche, tout comme celles qui suivirent de tous côtés sous les rires des complices de Lupin, provocant sans plus attendre la débandade des gardes qui ne tardèrent pas à se séparer pour trouver leur assaillant. La voie désormais libre, le cambrioleur se faufila de toit en toit avant de devoir quitter la sécurité des hauteurs et de se glisser à l'intérieur de la caserne pour y retrouver Lyra.
- Désolé de vous avoir fait attendre, j'espère n'avoir pas trop trainé. Mais pour le moment notre plan est une réussite, vos pommes font d'excellents projectiles.
Avec la participation de la déesse depuis sa position, la diversion concoctée par le gentleman cambrioleur fit mouche. Les cinq gardes en faction ce soir-là devant l'entrée de la caserne se dispersèrent dans la nuit, à la poursuite des perturbateurs. La voie fut libre pour nos deux protagonistes qui purent s'introduire à l'intérieur de la caserne. Malheureusement, Lyra n'avait pas le pas aussi leste que le coquin Arsène, et une maladresse de sa part, fit choir une lanterne qui vint se briser sur les pavées de la cour. Attirant l'attention des quatre membres de la garde vaquant à leurs occupations à proximité. Le plus proche cheminait déjà dans leur direction.
info MJ:
J'ai lancé un petit dé Faste ou Nefaste pour déterminer la vigilance de la garde. Ainsi qu'un dé du Mj pour déterminé un nombre de gardes présent dans la cours intérieur. A chaque déplacement de bâtiments en bâtiments, le premier d'entre vous lancera lui aussi un dé MJ pour déterminer le nombre de garde à l'intérieur de celui-ci.
